Axe Hamdallaye-Bambeto-Cosa : une conscience collective, ancrée dans une quête de dignité et de justice ( Cheikh Sako)
Par Cheikh Sacko
L’Axe est devenu, au fil des années, le révélateur par excellence de l’hypocrisie des gouvernants guinéens. Tantôt sanctuaire politique, tantôt cible de répression, cette zone et ses habitants sont perçus à géométrie variable, selon les intérêts du pouvoir en place.
Lorsque les autorités cherchent à rallier une base populaire, l’Axe devient soudainement un terreau fertile pour la mobilisation. Le RPG, délogé de son siège à Matam, y a trouvé refuge sans qu’aucune opposition ne s’élève.
En 2007, quand la pression syndicale a contraint le régime du PUP à céder, c’est ici que les leaders ont célébré la victoire avec ceux qui avaient fait plier le pouvoir. En 2008, à la suite du coup d’État du CNDD, c’est encore sur cette route que les putschistes ont tenu leur première parade, cherchant à asseoir leur légitimité. Plus récemment, en 2021, le CNRD a emprunté le même chemin pour exhiber son « colis » et prouver qu’il bénéficiait d’une adhésion populaire.
Dans ces moments-là, personne ne s’est soucié de l’âge des jeunes scandant des slogans, ni de leur appartenance ethnique ou de leur statut social. Ils étaient simplement « le peuple », cette entité homogène et valorisée lorsqu’elle acclame le pouvoir. Mieux encore, certains acteurs politiques ont cyniquement exploité cet enthousiasme pour monnayer des postes ou obtenir des faveurs, allant jusqu’à recruter des jeunes d’autres quartiers afin d’étoffer artificiellement leurs rangs et donner l’illusion d’un soutien massif.
Mais dès lors que ces mêmes jeunes osent exprimer une opinion dissonante, leur image est brusquement renversée. D’héros, ils deviennent fauteurs de troubles. D’alliés stratégiques, ils se transforment en menaces pour la stabilité nationale. Quand ils applaudissent, on les érige en citoyens modèles ; quand ils protestent, on les relègue au rang de délinquants à réprimer sans ménagement.
Pourtant, ils ne font qu’exercer un droit fondamental : celui de s’exprimer librement. Ils n’appartiennent ni à un parti, ni à une communauté, ni à une quelconque faction instrumentalisable à volonté. Leur engagement transcende les clivages partisans et ethniques ; il repose sur une exigence de justice et un refus catégorique de l’arbitraire. Ils ne revendiquent pas une perfection illusoire, mais ce qui est inacceptable, c’est cette iniquité systémique qui les érige en alliés lorsqu’ils servent le pouvoir et en parias lorsqu’ils osent le contester.
Cette stratégie de stigmatisation n’est qu’une variante locale d’un procédé universel : la fabrication de boucs émissaires pour détourner l’attention des véritables enjeux. Mais l’histoire, de Soweto à Harlem, a prouvé que ni la force ni la propagande ne peuvent museler durablement une conscience éveillée.
Ceux qui croient pouvoir réduire l’Axe au silence par la répression se leurrent gravement. Car ce qui s’exprime ici n’est ni une révolte passagère ni un simple mouvement de contestation. C’est une conscience collective, ancrée dans une quête de dignité et de justice. Et une conscience, contrairement aux illusions politiques, ne se réprime pas, ne s’achète pas et ne se manipule pas.
Cheikh Sako
MoDeL
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