Les dernières heures de Sékou Touré

Le 26 mars 1984, Sékou Touré s’éteint à Cleveland aux Etats Unis. Trente deux ans après sa mort, nous vous proposons un témoignage point par point sur les jours qui sont aboutis à la disparition du leader guinéen. Lisez !
Le mardi 20 mars 1984, Sékou Touré rentre d’Alger et de Fès ; il y a vainement tenté de rapprocher, au cours de ses conversations avec le président Chadli et le roi Hassan II, les points de vue de l’Algérie et du Maroc sur le Sahara occidental ; il sait désormais que le XXème Sommet de l’OUA prévu à Conakry, dont il ambitionnait de faire la réunion de la réconciliation, risque d’achopper sur cette question.
D’Alger, il est reparti avec une extinction de voix, et a même craint d’avoir été empoisonné. Du Maroc, il est rentré fatiguer. Sa déception est perceptible, mais il espère toujours sauver “son” Sommet en se rendant quelques jours plus tard à Tripoli, puis dans d’autres capitales africaines.
Le mercredi 21 mars, il reçoit des délégations étrangères, des responsables guinéens et de simples militants, comme il a l’habitude de le faire quotidiennement. Le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Mbasogo Obiang Nguema, est son tout dernier visiteur officiel.
Le jeudi 22 mars, au Palais des nations 173, il préside avec son brio habituel la séance de clôture du congrès des syndicats de la CEDEAO ; rappelant qu’il a lui-même commencé à militer dans un syndicat, il affirme qu’il restera “syndicaliste jusqu’à (sa) mort” ; mais cette formule, qui semble aujourd’hui prémonitoire, il l’a déjà employée à maintes reprises.
Vers 17 heures, il regagne son nouveau bureau dans l’enceinte de la cité de l’OUA (il y est installé depuis un mois à peine), mais marche avec plus de difficulté que d’habitude. Sa femme, Hadja Andrée Touré, passe un moment avec lui et lui montre un tissu de bazin avec lequel elle se propose de lui faire confectionner un boubou de cérémonie pour le Sommet de l’OUA ; il répond que ses goûts lui font préférer la percale, tissu plus modeste.
Dans la soirée, comme toujours quand il est seul, il dîne légèrement de miel, de laitages et d’ananas, mais à la fin de ce frugal repas, vers 21 heures, il est pris de malaises et de vomissements. Il se couche sans tarder et se plaint de douleurs qui sont “comme des coups de poignard”. Immédiatement alerté par Madame Andrée, le ministre des affaires étrangères, Abdoulaye Touré, qui est également docteur en médecine, s’affole ; arrivé en hâte auprès de Sékou, il lui administre des calmants et appelle à son chevet des médecins chinois. Ceux-ci l’auscultent avec soin, lui donnent divers médicaments et prescrivent surtout du repos. Ils ne semblent pas avoir diagnostiqué l’accident cardio-vasculaire dont Sékou Touré est en fait victime.
L’un des tout premiers à avoir alerté Sékou et ses proches sur des problèmes cardiaques a été le Docteur Nagib Roger Accar, longtemps ministre de la santé. Dès les années 60, il avait décelé un risque d’anévrisme chaque fois que Sékou parlait fort ou se mettait en colère, et avait à plusieurs reprises conseillé une opération préventive, mais en vain.
Le vendredi 23 mars au réveil, Sékou ne se sent pas assez bien pour recevoir des visites, et annule tous ses engagements de la journée. Béavogui en est informé dès 7 heures du matin. Abdoulaye Touré est à ses côtés et répond aux coups de téléphone.
Le roi du Maroc l’appelle dans la matinée pour parler encore du Sahara occidental ; apprenant le malaise dont Sékou a été victime, il dépêche par avion spécial une équipe de médecins, qui arrivent dans la soirée. Informé par eux que l’état de Sékou est réellement très sérieux et qu’il s’agit d’un problème cardiaque, Hassan II alerte encore dans la nuit un hôpital spécialisé de Cleveland (Etat de l’Ohio) aux EtatsUnis, sur le lac Erié, où plusieurs chefs d’Etat (notamment la famille royale saoudienne) se font régulièrement soigner.
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