Né au Camp Boiro, Daniel Philip fait un témoignage glaçant sur cette prison de la mort de Sékou Touré: " J’ai vu des choses horribles".
Dans un entretien accordé à cette semaine à notre rédaction, Daniel Philipe de Sainte Marie, né dans les geôles de Sékou Touré, a expliqué les circonstances dans lesquelles sa mère, Nène Djiariou Kassé a été arrêtée et emprisonnée au sinistre camp Boiro.
Pouvez-vous nous dire comment, votre mère a été arrêtée et ennoyée au camp Boiro sous le régime de Sékou Touré ?
Daniel Philippe de Sainte Marie : il n’y avait pas de raison fondamentale du fait que ma maman s’est retrouvée captive au camp Boiro.
En tout cas, ma maman était hôtesse de l’air et puis on l’a arrêtée au marché Niger . Elle a été amenée au camp Boiro, c’était dans les années 1971. Je pense que cette arrestation brusque de ma mère était probablement liée à mon père qui était un blanc parce que je sais qu’elle ne faisait pas de politique, elle s’est retrouvée en prison comme ça, sans jugement, sans raison fondamentale.
À cet effet, en tant que victime directe et indirecte du camp Camp , qu’est-ce que vous réclamez à ce régime actuel ?
Daniel Philipe de Sainte Marie : nous, victimes du camp Boiro , ce que nous continuons à réclamer, c’est très simple, on le dit tout le temps, c’est la justice, la reconnaissance et la réhabilitation des personnes victimes sous le régime de feu Sékou Touré .
Parce que, beaucoup de gens ont été tués, emprisonnés et accusés à tort et on les a étiquetés comme les ennemies de la république alors que ce n’était pas vrai.
Si certains étaient des politiciens certes, mais le fait d’être un opposant ne veut pas dire que tu es ennemi de la nation. Pas plus tard hier, on m’a insulté sur les réseaux sociaux, on m’a traité d’apatride. Il faut que les gens prennent conscience de ce qui est arrivé, parce qu’aujourd’hui, il y a une volonté de certaines personnes de faire oublier tout ça. Des gens ont été ostracisés, on les a mis à l’écart, on les traite comme des ennemis alors que ce n’était pas vrai. Donc, le seul but qu’on recherche, c’est la réhabilitation, la préservation de la mémoire collective et la vérité. Certains parlent de réconciliation moi, personnellement, je ne parle pas de réconciliation, on n’est pas ennemi entre nous. Est-ce que c’était une guerre ou quoi ? Il faut qu’à même qu’il y ait une réhabilitation et une restauration unique de la vérité.
Dites-nous qu’est-ce que ressentez aujourd’hui le fait que nous êtes né au camp Boiro ?
Daniel Philipe De Sainte Marie : qu’est-ce que ça peut faire d’être né en prison ? Ça fait toujours mal, ça perturbe la vie d’un être humain. Quand vous vous retrouvez né entre quatre murs, ça perturbe toute votre vie. Vous n’avez pas la même perception que les autres. Moi, je n’ai pas joué avec les autres enfants comme n’importe qui, j’étais là-bas jusqu’à l’âge de six ans, j’étais qu’avec des adultes, c’est là-bas que j’ai appris à lire et à écrire. Donc, c’est un peu rester dans mon esprit. Jusqu’à présent, je vis un peu renfermé sur moi-même parce que, j’ai grandi comme ça avec des grandes personnes enfermées. J’ai vu des choses horribles, j’ai vu des choses ignobles.
Interview réalisée par Léon Kolié
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