En Guinée, les ethnies sont elles hiérarchisées ? ( Tribune )
Par El Béchir
Dans une récente publication sur Facebook de maître Fodé Abass Bangoura, je retiens l'expression "hiérarchisation des ethnies".
C'est une réalité officielle en Guinée. La communauté naturelle à laquelle appartient le Chef du pays devient automatiquement et officiellement la supérieure. Raison pour laquelle chaque Guinéen se bat pour qu'un de ses congénères occupe la fonction suprême, ou en tout cas le souhaite. Ainsi, s'il n'est pas favorisé, au moins il ne sera pas discriminé, lui et sa famille jouiront de leurs pleins droits face à l'État.
C'est dommage pour la Guinée, mais c'est comme ça. Ça crève les yeux !
Sous Alpha, par exemple, les chances d'obtenir une bourse d'études du premier ou du troisième cycle universitaire à l'étranger ou d'être enrôlé dans les corps habillés ou recruté dans la fonction publique ou affecté dans une ambassade ou d'obtenir un marché public ou un poste avantageux dans l'administration publique, etc. étaient minimes ou nulles si l'on n'était pas issu d'une certaine région.
Déjà sous le premier régime guinéen, l'octroi de logements sociaux dans les cités publiques obéissait aux mêmes critères, à tel point que, de Kassa à Yomou, c'est toujours une seule langue qui est parlée dans ces cités et, pour cette raison, elles ne sont nullement visées par les sélectives opérations de récupération des domaines de l'État.
C'était et c'est toujours au vu et au su de tout le monde.
On a ainsi vu naître, sous Alpha Condé comme sous le premier régime, une classe de nouveaux riches qui ne se sont pourtant jamais tués au travail en même temps qu'on brûlait les boutiques ou démolissait les maisons d'autres, au faciès.
Malheureusement, la société, les corps habillés et l’État guinéens ont déjà fait l'objet d'un maillage serré et presque impossible à défaire pour opérer un rééquilibrage ethnique juste et légitime et relever le défi pluricommunautaire de la nation guinéenne née des contingences de la Conférence de Berlin...
Le tribalisme est la cause majeure des clivages politiques en Guinée.
Malgré les mariages intercommunautaires, 137 ans après la Conférence de Berlin, la nation guinéenne demeure une juxtaposition de communautés sans lien, sans liant, sans ciment, sans patrie, donc sans patriotisme. Le repli ethnique est né du favoritisme et des discriminations ethniques pratiqués par les régimes successifs postcoloniaux.
Une minorité s'est durablement installée aux commandes de l'État et contrôle ses finances, malgré le saupoudrage cosmétique actuel.
Parallèlement, il y a une volonté manifeste et arrêtée d'exclure certains leaders politiques de l'alternance au pouvoir, à cause de leur simple appartenance à une certaine frange de la nation, même s'ils gagnent dans les urnes. C'est un sujet tabou qui relève d'une hypocrisie collective.
Selon toute vraisemblance, les tirs de barrage contre cette frange continuent sous ce régime d'exception. Il ne faut pas s'attendre à des élections inclusives, transparentes, crédibles et organisées sur la base d'un fichier électoral incluant tous les Guinéens résidents et de la diaspora en âge de voter et sans doublons. Les louvoiements et atermoiements des gouvernants, observés pendant presque sept mois, l'indiquent clairement...
Je retiens également cette phrase du président Chirac prononcée à Conakry en 2001 : "En Afrique, comme partout ailleurs, la violence se nourrit de l'injustice, de l'exclusion et de la mauvaise répartition de la richesse nationale."
Pour unir les Guinéens et préserver la paix, pratiquons l'équité. Mais moi je ne rêve pas. Je suis comme le Cheval de "La Ferme des animaux" de George Orwell : "Napoleon is always right."
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