CRIEF : qu’est-il advenu de la procédure de flagrant délit du procureur spécial contre le PM Kassory et consorts ?
Par El Béchir
Pendant deux mois, l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana et ses trois anciens ministres Mohamed Diané (Défense), Oyé Guilavogui (Environnement), Diakaria Koulibaly (Hydrocarbures) ont été entendus par la direction des investigations judiciaires de la gendarmerie nationale sur la foi d’un soit-transmis du procureur spécial près la CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières). Une enquête de police ouverte a été clôturée par un procès-verbal transmis au procureur spécial. Sur ses instructions précises, les quatre personnalités politiques lui ont été présentées le 6 avril 2022.
Selon nos sources, rien n’est apparu aux yeux des enquêteurs comme étant susceptible de constituer des faits graves et concordants, de sorte que le procès-verbal de gendarmerie n’a retenu ni mentionné aucune infraction précise. Il est important de le savoir.
Présentée au cabinet du procureur spécial près la CRIEF, Ali Touré, celui-ci a entendu chacune des personnalités. Toutes les quatre se sont vu décerner des mandats de dépôt et placées en détention, puis conduites à la maison d’arrêt de Coronthie, à Conakry.
Le procureur spécial près la CRIEF, contre les avis des meilleurs spécialistes guinéens et étrangers de procédure pénale, a soutenu l’option du flagrant délit. C’est d’ailleurs cette démarche seule qui lui permettait de placer en détention ces personnalités politiques alors même que la détention résulte d’un juge, et non du procureur spécial, qui est une partie comme les personnes mises en cause – cela est également bon à savoir.
Donc le procureur spécial près la CRIEF ne saurait avoir plus de droits que n’importe quelle autre partie. Raison pour laquelle les conseils des personnes mises en cause lui ont dénié le droit de décerner mandat à leur encontre et ont contesté sa démarche de flagrant délit.
Selon les spécialistes, le flagrant délit concerne des infractions commises sous les yeux mêmes de la personne qui le constate. Dans ce cas, la commission de l’infraction paraît évidente aux yeux de tous. Il n’y a aucun constat pareil concernant les quatre personnalités. Malgré tout, quand il daignait apparaître dans les médias ou dans les arènes judiciaires, le procureur spécial près la CRIEF soutenait mordicus qu’il était sûr de son bon droit et de l’option qu’il avait prise. Or, ayant obtenu le placement sous mandat de dépôt de l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana et de ses trois anciens ministres, le procureur spécial près la CRIEF a reculé. Il a abandonné la voie du flagrant délit et décidé de saisir la chambre de l’instruction.
Cette attitude du procureur, aussi bien que la précédente, viole la loi et les procédures. C’est bien ce comportement qui est apparu aux yeux des avocats du Premier ministre Kassory Fofana comme étant une forfaiture du procureur spécial près la CRIEF.
Les avocats assurent avoir porté plainte contre lui pour forfaiture. Le garde des Sceaux, qui en est saisi, devra, dans tous les cas, donner une suite. Il est contraint et forcé de saisir le Conseil supérieur de la magistrature. Cette dernière institution devra ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre du procureur spécial près la CRIEF.
Mais en attendant, l’opinion devra retenir que la démarche totalement erronée du procureur spécial Ali Touré ne poursuit d’autre objectif que de mettre en prison le Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana et ses compagnons.
D’ailleurs, depuis, un des ministres a recouvré la liberté. Il est libre de ses mouvements aujourd’hui, n’étant sans doute pas une personnalité politique redoutée que l’on aurait un quelconque intérêt à éliminer. Or, le mandat de dépôt du procureur spécial près la CRIEF le concernant n’aurait jamais dû être levé et/ou annulé. En tout cas pas pour lui seul.
C’est ce paradoxe qui fait que les Premier ministre Ibrahima Fofana et ses ministres Mohamed Diané et Oyé Guilavogui sont encore en prison sur la base de deux mandats de dépôt : le premier émane du procureur spécial près la CRIEF et le second de la chambre spéciale de contrôle de l’instruction. Ces deux mandats visent les mêmes personnes, toutes mises en cause sur les mêmes bases.
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