Le procès du 28 septembre 2009 et ses premières défaillances
Par Saliou Bobo Diallo à Paris
La tenue du procès du 28 septembre 2009 en Guinée a été saluée par les organisations de défense des droits de l’homme et son retentissement dépasse les frontières du pays.
Cependant, en l’espèce, le déroulement des audiences met en relief certains problèmes. En effet, au fur et à mesure de la succession des premières audiences, les défaillances des divers acteurs surgissent du procès, tant du côté du Ministère public que ceux des Avocats et des Juges.
Pour le Ministère public, ses enquêtes préliminaires et l’instruction préparatoire manquent de pertinence. Beaucoup de zones d’ombres ont été laissées en suspens. Il apparaît clairement que toutes les personnes qui gravitent autour des massacres du 28 septembre 2009 ne sont pas présentées aux débats. Il y a de quoi s’interroger sur l’apport des enquêteurs internationaux venus d’ailleurs en Guinée. L’avenir dira si le Ministère public a été influencé d’une autre manière.
Quant au Tribunal, dès le début du procès, il aurait dû prendre de sa propre initiative un jugement avant dire droit et demander au parquet d’effectuer des diligences complémentaires. Ce jugement avant dire droit devait ordonner un supplément d’information, en application de l’article 456 du Code de Procédure pénale afin de procéder à toutes les diligences utiles, notamment à l’audition de tous ceux qui ont été cités pour la manifestation de la vérité.
En tout état de cause, il est d’usage en matière criminelle, au cours d’une audience devant le Tribunal, que les parties puissent solliciter un supplément d’information par la voie de leurs avocats ou d’office soulé par le Tribunal. En pratique, ce supplément d’information permet de compléter une enquête défaillante.
C’est l’exemple du cas de Laurent Gbagbo devant la Cour Pénale Internationale de La Haye. Le 3 juin 2013, la Chambre préliminaire de la CPI avait décidé d’ajourner l’audience et demandé au Bureau du Procureur de soumettre des preuves additionnelles ou de conduire des enquêtes supplémentaires sur un nombre de points. Les juges ont considéré, à la majorité, que les éléments présentés par le Procureur dans cette affaire ne permettent pas de décider s’il y a des motifs substantiels de croire que Monsieur Laurent Gbagbo a commis les crimes qui lui sont reprochés.
Dans une autre affaire moins importante que celle de la CPI, il m’est arrivé au Tribunal correctionnel de Paris de convaincre les juges de prendre un jugement avant dire droit, de suspendre les débats et sommer le Ministère public d’effectuer des compléments d’information pour ramener d’autres commanditaires devant la barre.
En Guinée, le procès du 28 septembre ne fera pas exception à cette règle de la CPI. Par conséquent, au lieu de s’attarder sur le comportement des avocats, il convient mieux de s’interroger sur les défaillances du parquet et le manque de pugnacité et de clairvoyance du Tribunal.
Maître Saliou Bobo Taran DIALLO
Docteur en Droit
Avocat au Barreau de Paris.
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