An 4 du déguerpissement de Kaporo Rails : Commémoration empêchée !
Le 11 mars, le Collectif des victimes de Kaporo-Rails, Kipé 2, Dimess a été empêché de commémorer le 4ème anniversaire de la grande casse.
Des hommes et des femmes étaient mobilisés sur les ruines de leurs domiciles lorsque la flicaille a surgi pour leur dire que « l’autorité n’est pas informée d’une telle cérémonie ». Mamadou Samba Sow, porte-parole du collectif affirme avoir informé la mairie, le PA qui gère le site, le chef du quartier de Kaporo-rails et même la présidence. Il parle d’incompréhension entre les autorités, puisque c’est le commissariat central de Kaporo qui a dit qu’il n’était pas informé.
Le porte-parole du collectif regrette le fait que cette cérémonie ait été empêchée. « Puisque nous ne voulons pas un affrontement, nous avons décidé de reporter. C’est vrai que nous avons beaucoup subi et nous n’avons jamais résisté physiquement, nous n’avons pas voulu de bras de fer avec la police. Nous regrettons cela, parce que beaucoup de victimes, y compris des handicapés, sont venus de Dubréka, Forécariah et même de Kindia. Et vous savez comment les gens vivent actuellement. Nous regrettons cela, nous allons informer ceux qui disent qu’ils ne sont pas informés dans l’espoir que la prochaine fois, on va nous laisser en paix. Qu’on nous sécurise ou pas, nous, nous avons décidé de ne pas affronter l’autorité, surtout que celui qui a détruit nos maisons n’est plus aux affaires. Aujourd’hui, tout notre espoir repose sur le colonel Mamadi Doumbouya ».
Pour Samba Sow, colonel Amara Camara, ministre secrétaire général à la Présidence, Thierno Mamadou Bah, conseiller à la Présidence et Moussa Moïse Sylla, Directeur de la Communication et de l’Information à la Présidence, le ministère de l’Urbanisme, les religieux et la facilitatrice Dr Makalé Traoré, devaient participer à la cérémonie commémorative.
Le porte-parole plaide, par ailleurs, pour que les victimes de Kaporo-Rails soient rétablies dans leur droit. « Nous demandons au Président de la République de se pencher sur le dossier de Kaporo-Rails, comme il a fait en rapatriant les Guinéens de la Tunisie. Tous les Guinéens sont fiers d’être Guinéens, parce que les Guinéens qui étaient en difficultés ont été rapatriés à bord d’un avion guinéen. Il a fait un acte, en organisant le procès du massacre du 28 septembre, il a rétabli la famille de Sékou Touré dans ses droits. Est-ce que nous les victimes de Kaporo-Rails nous ne sommes pas des Guinéens ? Justice pour Kaporo-Rails !vérité pour Kaporo-Rails ! »
Le cri de cœur d’une veuve
Hadja Fatouamata Sira Barry, laborantine à la retraite, veuve, qui aurait vécu 40 ans dans sa concession démoli en 2019. « Aujourd’hui, la police vient faire semblant de nous intimider, comme ils en ont l’habitude. Je suis dans mes droits. Je demande au colonel Mamadi Doumbouya de penser aux victimes de Kaporo-Rails, Kipé 2 et Dimess ».
Récemment, le gouvernement a lancé les travaux de construction de la Cité administrative de Koloma, sur les « cendres » de Kaporo-rails. Une mauvaise chose, pour Hadja Fatoumata Sira ces travaux ont été lancés alors que les victimes du déguerpissement n’ont pas été recasées, encore moins dédommagées. « Nous avons été jetés dehors. C’est dommage qu’on nous rejette. Aujourd’hui, tout le monde doit pleurer avec nous, il n’y a que des veuves, des malades, des vieilles, des vieillards et des démunis. On ne doit pas nous rejeter. Aujourd’hui, tout le monde devait partager notre peine. Je suis fonctionnaire, j’ai travaillé 35 ans pour l’Etat, mon mari a travaillé pour l’ Etat. Aujourd’hui on nous jette dehors et on casse nos maisons, c’est vraiment déplorable. Nous célébrons cet anniversaire avec chagrin, avec douleur, avec peine. Nous demandons au colonel Mamadi Doumbouya de venir en aide aux victimes de Kaporo-Rails, Kipé 2 et Dimess en nous retablissant dans nos droits ». Pour Dame Sira,il y a un réseau qui ne veut pas que les victimes obtiennent gain de cause. « Nous espérons que le colonel Mamadi Doumbouya ne fait pas partie de ce réseau », a-t-elle déclaré.
Rappelons qu’un beau matin de février 2019, le gouvernement guinéen fait déguerpir les habitants des quartiers Kaporo-Rails, Kipé 2 et Dimess : 2 500 bâtiments démolis, plus de 1 200 familles jetées dans la rue, 3 000 enfants privés d’éducation. Le 26 février 2022, le Collectif des victimes de Kaporo-rails a écrit au Présidentde la junte, Mamadi Doumbouya et lui a fait remarquer : « Nos maisons ont été détruites par Ibrahima Kourouma (alors ministre de l’Urbanisme et de l’aménagement du territoire )sur ordre d’Alpha Condé en violation flagrante de nos droits reconnus et protégés par toute la législation en vigueur dont le code foncier et domanial de la Guinée. Savez-vous que nous avons été spoliés et non expropriés pour cause d’utilité publique ? Monsieur le Président de la République, l’État ne dispose d’aucun document de propriété de nos terres à part le décret 211 du 23 novembre 1989. Mais même ce document stipule en son article 4 ‘’ Les occupants de ces zones seront déguerpis au fur et à mesure des besoins d’aménagement de la puissance publique ; Ces occupants qui auraient mis en valeur leurs fonds avant la date du 20 avril 1988, ci-dessus indiquée, ne sont déguerpis que si l’État s’engage à les recaser et à les indemniser de la valeur de leurs réalisations sur le fonds’’. Pourtant c’est le contraire qui a été fait. Il y a trois ans, nos droits étaient violés ! Près de 2 500 bâtiments furent démolis et plus de 1 200 familles jetées dans la rue ! 3 000 enfants ont été privés d’éducation ! Bref, nous avons été transformés en réfugiés dans notre propre pays. »
Les victimes ont saisi la cour de justice de la CEDEAO. La procédure fuit son cours normal, à ce qu’on voit Les déguerpis espèrent obtenir la condamnation du « régime qui ne respecte pas le droit de ses populations ». Il n’existe pas de prison pour un Etat, condamné sinon symbolique.
Avec Le Lynx
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