Plus ancien condamné à mort au monde, un Japonais rejugé… 57 ans après son premier procès
Iwao Hakamada a passé 48 ans derrière les barreaux, après avoir été condamné pour le meurtre de ses patrons et leur famille. Pendant plus de 40 ans, il attendait d’être exécuté… avant qu’il ne soit libéré. Il sera finalement rejugé, bientôt 60 ans après les faits.
Il a passé des décennies, près d’un demi-siècle, à attendre son exécution. Se demandant chaque matin s’il allait être tué. Un tribunal japonais a ordonné ce lundi la révision du procès d’un homme de 87 ans considéré comme le plus ancien condamné à mort au monde, près de 60 ans après sa condamnation pour meurtre. Les avocats d’Iwao Hakamada sont sortis de la Haute cour de Tokyo ce lundi à l’issue d’une courte audience, brandissant des banderoles réclamant un nouveau procès, tandis que ses soutiens criaient : « Libérez Hakamada, maintenant ».
« J’ai attendu ce jour pendant 57 ans et il est arrivé », s’est félicitée Hideko, la sœur d’Hakamada et son principal soutien. Ce Japonais a passé plus de quatre décennies dans le couloir de la mort après sa condamnation en 1968 à la peine capitale pour le quadruple assassinat de son patron (gérant une usine de miso) et de trois membres de la famille de celui-ci. Il avait été reconnu coupable d’avoir poignardé à mort les membres de cette famille lors d’un vol et d’avoir incendié leur maison dans la région de Shizuoka en 1966. Il avait été arrêté six semaines après les faits.
Hakamada avait avoué le crime après des semaines d’interrogatoires en détention, avant de se rétracter. « Il a déclaré au tribunal que la police l’avait frappé et l’avait menacé au cours d’interrogatoires quotidiens qui duraient plus de 12 heures », dénonce Amnesty International.
Des interrogatoires sans avocat selon l’ONG. Il ne cessait depuis de clamer son innocence, mais la peine avait été confirmée en 1980. Cet ancien boxeur avait été relâché en 2014, un tribunal ayant admis des doutes sur sa culpabilité en se basant sur des tests ADN effectués sur des vêtements ensanglantés - pièce maîtresse de l’accusation - et ayant décidé de lui offrir un nouveau procès.
Ces vêtements avaient été retrouvés par un employé de l’usine des victimes, 14 mois après les faits, rappelle le quotidien japonais Asahi shinbun. Ses avocats mettaient notamment en avant le délai avant de retrouver ces vêtements qui n’appartenaient pas à leur client selon eux, n’hésitant pas à évoquer des « preuves créées ». En cause, des taches de sang rougeâtres qui auraient dû noircir avec le temps.
Des séquelles psychologiques
Mais en 2018, nouveau coup de théâtre : sur appel du parquet, la Haute cour de Tokyo a remis en cause la fiabilité des tests ADN et annulé la décision de 2014. La Cour suprême japonaise avait ensuite cassé fin 2020 la décision qui empêchait Hakamada d’être de nouveau jugé pour tenter d’obtenir son acquittement, une nouvelle que sa sœur Hideko avait alors accueillie comme un « cadeau de Noël ».
Ses proches mettent en avant les séquelles psychologiques laissées sur lui par plus de quatre décennies en cellule, à craindre chaque jour son exécution par pendaison. Selon ceux-ci, à sa libération, l’octogénaire effectuait des marches de cinq heures dans les rues chaque après-midi. Signe de ses troubles, il saluait alors les mannequins des affiches publicitaires, rappelait en 2018 Le Point.
« En prison il s’est créé un univers imaginaire en dehors de la réalité, afin de survivre à la peur d’être exécuté. Cela n’a pas changé depuis qu’il est sorti », racontait Nobuhiro Terazawa, représentant d’un de ses groupes de soutien.
Ces dernières années, les demandes de révision de procès se sont multipliées dans l’archipel nippon, en raison de changements dans la justice, dont la mise en œuvre de jurys populaires pour les crimes graves et le fait que les procureurs doivent présenter les preuves matérielles à la défense. Ce n’était pas le cas autrefois et cela aboutissait à faire d’aveux les éléments probants.
Le Japon est, avec les États-Unis, l’un des derniers pays industrialisés et démocratiques à recourir encore à la peine capitale, à laquelle l’opinion publique nippone est largement favorable. Ils sont pendus. Quand la peine capitale est appliquée au Japon, les condamnés, dont les mains sont menottées et les yeux bandés, sont conduits au-dessus d’une trappe qui s’ouvre sous leurs pieds, au moyen d’un mécanisme déclenché par un des trois boutons fixés au mur d’une pièce contiguë, pressés simultanément par trois gardes qui ignorent lequel est actif.
Le soutien de la population nippone à la peine capitale reste fort malgré les critiques venues de l’étranger, en particulier des organisations de défense des droits humains. Le Japon comptait, fin 2021, plus de 100 condamnés à mort. De longues années s’écoulent généralement entre l’énoncé de la sentence et son exécution par pendaison, mais les détenus sont habituellement prévenus quelques heures seulement avant leur exécution.
AFP
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