Par Amadou Diouldé Diallo
Par principe admis que la géographie est la première composante de l'histoire, j'aurais donné le nom de l'échangeur à Karim Bangoura.
Un valeureux fils de la famille régnante du "Soumbouya". Grand commis de l'Etat, il fut, je crois, le premier ambassadeur de Guinée à Washington et grand ministre des travaux publics ou des transports à moins que ça ne soit les deux dans le même portefeuille.
L'échangeur de Kagbelen se trouve dans le Tabounsoun et presque dans le Soumbouya. Ce serait une juste récompense aux populations de Dubreka et de Coyah de voir honorer un des plus illustres de leurs fils, Karim Bangoura, en l'occurrence, dont l'emplacement actuel de l'Aéroport de G'bessia serait la plantation de son père qui était le chef de Canton du Soumbouya.
Cet aéroport pouvait,donc, valablement, porter son nom. Ce qui ne veut pas dire que le père de notre indépendance, le président Ahmed Sékou Touré le mérite moins. Bien au contraire. Tout comme, d'ailleurs, l'école primaire bâtie, avec empressement, sur les ruines de la maison démolie de Cellou Dalein Diallo. Elle fut baptisée Barry Diawadou, un acteur politique majeur de l'indépendance de la Guinée. Là aussi, je ne trouve pas d'objection même si, à lire entre les lignes,on arrive à la conclusion d'un coupé-collé sulfureux, aux relents identitaires, afin que ceci explique cela.
Je m'attendais au respect de la règle du jamais deux sans trois avec l'échangeur de Kagbelen baptisé Karim Bangoura. Malheureusement, l'envie de trop s'identifier à Paul Kagamé, jusqu'à la calque, et certainement, bénéficier de son soutien dans un plan B, caché sous les plis d'un moelleux drap de couverture, semblent emporter l'adhésion du colonel Mamadi Doumbouya sous le prisme d'un rayonnement à l'international.
Attention, mon colonel. S'ils sont nombreux, vos compatriotes qui reconnaissent, en vous, un bâtisseur, beaucoup d'autres veulent voir les infrastructures réalisées, porter le nom de ceux qui symbolisent leur histoire, leur culture.
Attention, mon colonel. Le peuple de Guinée est un peuple fier et jaloux, à sociologie non maîtrisable, ce depuis la nuit des temps. C'est pourquoi il est le seul en Afrique à avoir donné dix résistants connus à la pénétration coloniale.
Apprenez à mieux le connaître et éviter d'être l'otage des tutelles et des chapelles des flagorneurs et des retourneurs de veste. Ceux-là mêmes qui ont entouré Alpha Condé dont la mauvaise gouvernance vous a poussé à sauver notre pays des incertitudes du lendemain.
Une infrastructure réalisée en Guinée doit porter le nom d'un fils de la Guinée. Même pour faire l'actualité culturelle douloureuse, il est vrai, "Echangeur Salif Kaba", le rossignol du Bembeya qui vient de nous quitter, aurait eu un écho largement favorable auprès de vos compatriotes.
J'ai passé un mois au Rwanda en 2016 en qualité d'officier média CAF, basé dans la ville de Rubavu, au bord du Lac Kivu. Nulle part, je n'ai vu une rue, une école, un stade porter le nom d'un non rwandais. Et cela, sur toute la superficie de ses 22.000kms carrés et ses 12 millions d'habitants.
Comme l'écrivait si bien François Soudan, le directeur de l'hebdomadaire Jeune Afrique , la Guinée, à l'ouest, et l'Algérie, au nord, sont deux pays très souverainistes. Et qu'il faut toujours faire très attention quand on est leur gouvernant.
C'est à méditer mon colonel, avec l'espoir que vous tiendrez compte de ses remarques lors de vos prochaines inaugurations d'infrastructures. Pensons Guinée et agissons Guinée dans toutes nos fibres et sous toutes nos coutures. On se porterait mieux.