La justice guinéenne en état de mort cérébrale ( Tribune )
L’incohérence des putschistes du 5 septembre 2021 n’est plus à démontrer et leur tentative de manipulation de l’opinion publique désormais mise en échec en raison du reniement de tous leurs engagements antérieurs.
Aussitôt arrivés au pouvoir, ils se sont empressés d’ouvrir le procès relatif aux événements tragiques du 28 septembre 2009. Cette démarche consistait en réalité en une opération de séduction massive auprès de l’opinion nationale et internationale, notamment les défenseurs des droits de l’homme, et visait pour la junte à gagner en respectabilité et en légitimité.
Les faits survenus après démontrent clairement le peu de cas accordé par la junte à la justice comme boussole de la transition et mettent en évidence son instrumentalisation : ménager les thuriféraires du pouvoir et harceler les opposants au pouvoir.
La création de la CRIEF et l’ouverture d’une prétendue enquête judiciaire sur la répression meurtrière des manifestations politiques et sociales enregistrées sous le régime précédent s’inscrivent dans le même registre.
Il est grotesque de constater que pendant que ce procès tant attendu du 28 septembre se tient et que la prétendue enquête sur les crimes de l’ancien régime est en cours, la junte militaire est en train de tuer elle-aussi des manifestants et les scandales de détournement de deniers publics à travers des pratiques non orthodoxes pullulent dans la presse locale.
Il y a des Guinéens qui – de bonne ou de mauvaise foi – affirment qu’en dépit de la conduite chaotique de la transition, ils ne regretteront jamais le régime déchu. En fait, il n’a été demandé à personne de regretter ce régime qui, à travers sa gestion catastrophique du pouvoir, est à la base de l’arrivée au pouvoir de la branche la plus pourrie et vile de l’armée.
Chacun doit cependant comprendre qu’en termes de violation des droits de l’homme, le déficit de démocratie, la corruption, le détournement des deniers publics, le népotisme, le favoritisme, les marchés de l’Etat sans appels d’offre, la restriction drastique de l’espace civique et politique, les multiples entraves à la liberté de la presse, les arrestations extrajudiciaires, le déni de justice, les harcèlements de leaders politiques et de la société civile etc, le CNRD n’a absolument rien à envier au régime précédent dont il s’applique à multiplier les erreurs du passé avec une ardeur inégalée.
La nébuleuse CNRD fait pire que le régime précédent
Peut-être faudra-t-il attendre que le nombre de personnes tuées par les putschistes atteigne celui enregistré sous le régime précédent pour que ceux qui leur accordent encore un peu de crédit se rendent compte que rien n’a fondamentalement changé. Mais à cette allure – près d’une quarantaine de morts en moins de deux ans -, le record macabre sera bientôt dépassé. Ce serait peut-être trop tard pour prendre conscience de la réalité.
Quid des supposés chantiers de la refondation qui ne sont que de la poudre de perlimpinpin et des prétextes malhabiles pour organiser toutes sortes de malversations financières. Et dire que les pauvres chantiers dont ils s’enorgueillissent tant sont ceux entrepris sous le régime défunt.
Mamadi Doumbouya et son soi-disant mentor pensent être tellement intelligents que personne ne peut s’apercevoir que pour eux, une prétendue enquête judiciaire ou un procès n’a pour objectif que de neutraliser des personnes gênantes, qu’elles soient issues de l’ancien régime ou de l’opposition sociale ou politique.
Prétendre lutter contre l’impunité relative aux crimes de sang et économique et reproduire les mêmes crimes en reprenant les mêmes arguments que ceux de ses prédécesseurs pour se dédouaner relève de l’incohérence la plus grave.
Comme l’a dit une éminence grise : « De l’injustice naît la frustration, la frustration engendre la haine, et de la haine vient la colère et de la colère naît la révolte et de la révolte sort la rébellion ».
Mais Mamadi Doumbouya doit savoir qu’il passera devant la justice et rendra compte de ses actes. La stratégie qu’il élabore actuellement pour se porter candidat à la prochaine présidentielle est vouée à l’échec.
Sékou KOUNDOUNO
Responsable des stratégies et planification du FNDC
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