Ramadan : pourquoi les musulmans respectent-ils un jeûne pendant le mois sacré de l’islam ?
Tareq Oubrou, l’imam de Bordeaux, explique au « Point » que « le but du ramadan n’est pas de mortifier le corps, mais d’élever l’esprit ». ( ... )
Cet intellectuel de l'islam, fin lettré, nous éclaire sur le sens et la portée pour les musulmans du mois de ramadan ( ... )
Le Point : Quel est le sens du ramadan ?
Tareq Oubrou : Le mois de ramadan n'est pas une période de fête. Le jeûne du mois de ramadan est une pratique spirituelle. Le Coran au verset 183 de la sourate 2, s'adressant aux musulmans, dit : « Il vous a été prescrit de jeûner comme il a été prescrit aux autres communautés qui vous ont précédés », notamment juive et chrétienne.
Toutes les traditions spirituelles, qu'elles soient issues de religions révélées ou non, mettent en avant cette pratique du jeûne. Le ramadan désigne le nom du neuvième mois lunaire, et représente une période d'intense spiritualité pour les musulmans. Le jeûne obligatoire dure toute la journée, et à celui-ci succèdent des prières nocturnes surérogatoires.
C'est une pratique à laquelle le croyant a l'obligation de se soumettre ?
Cette pratique respecte le rythme et la capacité de chaque individu. Elle prend en compte les contraintes sanitaires et sociales de chacun. Si un musulman est dans l'impossibilité de jeûner un jour, il peut le rattraper quand il se trouve en meilleure forme, ou plus disponible.
S'il est empêché par une maladie chronique, il peut aussi substituer ce moment par une aumône, etc. Un musulman n'a pas à jeûner à n'importe quel prix. Le but n'est pas de mortifier le corps, mais d'élever l'esprit.
Quelle est la portée de ce jeûne ?
Il recèle, tout d'abord, une portée symbolique : il s'agit d'imiter les anges, et Dieu lui-même qui ne boit pas, ne mange pas et n'a pas de rapports sexuels. L'individu est invité à sortir de ses conditions biologiques, en montrant que son esprit est capable de résister aux pulsions, aux désirs. Dans ces jours, l'esprit triomphe sur le corps.
Le jeûne permet une libération de soi-même. La liberté de sortir de la tyrannie de ses passions et de ses désirs. C'est un mois de sevrage de toutes les addictions.
L'exercice a-t-il une portée biologique ?
Oui, tout jeûne est une forme de thérapie. Surtout dans les sociétés où règne le consumérisme à outrance. Le jeûne n'est pas absurde, il est plus que jamais d'actualité surtout dans des sociétés où des concitoyens souffrent de maladies à cause de l'obésité ou du surpoids. La portée, enfin, est sociale : on ne se prive pas pour économiser de l'argent qu'on n'a pas dépensé pour la nourriture, mais pour en donner aux autres.
D'ailleurs, il est d'usage de partager un repas le soir avec les autres, et pas seulement des musulmans, tous ses voisins. Le mois de ramadan est aussi un mois de solidarité et de générosité. Et la fin du mois de ramadan, le musulman doit s'acquitter d'une aumône, la Zakat al-Fitr.
Comment s'exprime cette générosité ?
Dans le partage, l'aumône, l'attention aux pauvres.. On apprécie le don après la privation. Le jeûne permet de cultiver le plaisir des choses, car on apprécie les retrouvailles après la séparation. Aussi, le musulman ne doit pas se cacher derrière le mois de ramadan pour se dérober à ses responsabilités sociales et professionnelles. Le mois de ramadan n'est pas le mois de la paresse.
Il est aussi un mois de production et d'activité. Une période où l'on réconcilie l'aspiration de l'âme vers le Ciel et la vigilance de l'esprit avec les devoirs terrestres et sociétaux. C'est un exercice d'équilibre. Un mois où la tension doit baisser. Le prophète a dit que celui qui jeûne ne doit pas se mettre en colère ni insulter les autres. Il doit faire preuve de retenue. Le ramadan est un mois de sérénité et de paix.
Qui doit se diffuser dans l'environnement de chaque pratiquant…
En effet. Et j'en profite pour souligner que, dans des sociétés comme les nôtres sous tension, les pratiques religieuses peuvent contribuer à la paix sociale. Précisons bien que ces moments de réconciliation, avec soi-même, avec les autres, ne sont pas des temps pour revendiquer des droits et des accommodements communautaristes. Il est important que le mois de ramadan soit favorable à toute la société, et pas un facteur de repli. Dès lors, il est essentiel d'insister sur la notion de partage, d'ouverture aux autres, de respect des voisins.
In Le Point
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