Le CNRD bénéficie-t- il d’un soutien actif de Paris? Le Palais Bourbon veut en avoir le coeur net
Depuis le coup d’État du 5 septembre 2021 et le renversement du président Alpha Condé, la Guinée est sous le contrôle du général Mamadi Doumbouya qui avait alors initialement promis une transition démocratique de trois ans, avec l’engagement qu’il quitterait le pouvoir au plus tard en janvier 2025. Depuis, non seulement la junte militaire est revenue sur cette promesse mais les progrès vers une transition démocratique réelle sont extrêmement limités. Les autorités de transition semblent en réalité peu enclines à s’effacer en faveur d’un régime démocratique durable, comme en témoignent les nombreuses violations des droits humains observées sur place.
En effet, les dérives de ce gouvernement se multiplient : interdiction des manifestations en juin 2022, fermeture de médias d’opposition en mai 2024 ou encore suspension de la délivrance des agréments aux associations et aux organisations non gouvernementales en septembre 2024 au motif que seraient menées des « actions de trouble à l’ordre public menées sur le terrain par plusieurs ONG et mouvements associatifs ».
Amnesty International rapporte que les répressions systématiques des manifestations ont causé la mort d’au moins 47 personnes entre septembre 2021 et avril 2024 tandis que les arrestations arbitraires et emprisonnements d’opposants sont aujourd’hui la norme.
C’est dans ce contexte particulièrement inquiétant que la gendarmerie guinéenne aurait procédé à l’enlèvement de deux opposants politiques majeurs, Oumar Sylla, dit Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah, le 9 juillet 2024. Ces deux responsables du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) sont aujourd’hui toujours portés disparus tandis que les autorités du pays nient toute implication. Fait rare dans le domaine, les États-Unis ont indiqué être « préoccupés par [leur] disparition et [leur] bien être ». La France, elle, est restée étonnamment silencieuse. Depuis mars 2022, la France a pourtant repris une coopération sécuritaire avec le pouvoir guinéen, dont la nature exacte reste floue et opaque.
Il semblerait que Paris cherche à soutenir la junte, notamment par le détachement de fonctionnaires français, tel que l’est Éric Legrand auprès du ministère de la justice guinéen. Une enquête menée par Thomas Dietrich pour le journal Marianne et publiée en août 2024 souligne également la présence de coopérants militaires français au sein des forces de l’ordre et de l’armée guinéenne.
En particulier, le lieutenant-colonel Christophe Lasgleyzes, gendarme français et conseiller du général Balla Samoura, l’homme suspecté d’avoir orchestré l’enlèvement de messieurs Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah.
De plus, cette enquête affirme que des forces françaises sont présentes dans l’est du pays, dans le camp militaire de Soronkoni, afin de former les forces spéciales du président Doumbouya, notamment le GFIR censé empêcher toute intrusion terroriste, mais qui s’est en réalité surtout fait connaître pour avoir réprimé des manifestations civiles et pacifiques. Dans ce contexte, les relations entre le régime militaire guinéen et Paris interrogent.
La junte bénéficie-t- elle effectivement d’un soutien actif de la France ?
Cette commission d’enquête doit permettre d’éclairer la représentation nationale sur la nature et la profondeur des relations entre l’État français et la junte militaire guinéenne. Elle aura également pour mission de vérifier la conformité de cette coopération avec les principes du droit international et la défense des droits humains.
Proposition de rÉsolution
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée de faire toute la lumière sur la nature et la profondeur des relations tissées entre l’État français et la junte guinéenne, notamment au regard du silence du premier face aux exactions de la seconde.
Source: Assemblee-nationale.fr
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