Retrouvez en temps réel et en continu des infos inédites sur le site phare de la Guinée

Requiem pour la CEDEAO ( Tierno Monénembo)

Requiem pour la CEDEAO ( Tierno Monénembo)
0 commentaires, 4 - 1 - 2025, by admin

Par Tierno Monenembo
Nous attendions des étrennes en ce début de nouvel an, c’est un cadeau empoisonné qui nous arrive, un coup dur, un véritable crève- cœur.
Ce n’est donc pas une blague, ce 29 décembre, le Mali, le Niger et le Burkina claquent la porte de la Cedeao et jurent ne plus vouloir y revenir. Pauvres de nous qui croyions que l’absurde avait des limites même dans la tête de nos incroyables dirigeants ! Les idéalistes qui en ont vu d’autres, survivront peut-être à cette catastrophe. L’Histoire, qui est filmée aujourd’hui, leur laissera quoi qu’il en soit, une maigre consolation : une simple capture d’écran suffira pour en dénoncer les coupables aux générations futures.
La bureaucratie flemmarde et corrompue d’Abuja, les tontons flingueurs de Bamako, de Niamey et de Ouagadougou seront tôt ou tard, convoqués à la barre pour répondre de ce qu’il faut bien appeler une tragique histoire de famille. Ces dirigeants mal inspirés, ces briseurs de rêve, seront tous condamnés par l’Histoire, quel que soit leur degré de responsabilité.
C’est la preuve encore une fois que la guerre des frères est la plus atroce des guerres. On ne se contente pas de s’étriper, on brûle aussi la maison du père.
Pourquoi, mon dieu ?
Pour quelques médailles, pour quelques dollars de plus, plus plausiblement pour d’obscures considérations extérieures.
Faut-il croire que nous sommes des tirailleurs dans l’âme et que nous serons pour toujours les braves caporaux de la guerre des autres, cette fois-ci, menée sur notre territoire, qui plus est ?
A qui profite le crime ?
Certainement pas à l’Afrique et aux Africains ! Il est de bon ton aujourd’hui pour les nationalistes de façade de se gargariser de souverainisme et de panafricanisme. Le souverainisme et le panafricanisme, tout le monde en veut mais pas de cette manière-là. Nous ne parviendrons jamais à les mettre en œuvre en nous tournant le dos ou en nous crêpant le chignon. L’Histoire est là, nous sommes mieux placés que les autres pour mesurer les conséquences de la division, cette tare génétique, à l’origine de tous nos malheurs.
Le souverainisme et le panafricanisme ne se limitent pas aux banderoles et aux slogans, nous les aurions déjà parachevés, sinon. Le panafricanisme et le souverainisme, ça se construit avec les briques de l’esprit de famille, avec la truelle de la responsabilité. Briser la Cedeao ne fera avancer personne d’entre nous. C’est bien au contraire, ouvrir la boîte de Pandore, c’est multiplier par dix tous les maux qui nous accablent : le terrorisme, le chômage, les tensions intercommunautaires, les conséquences du dérèglement climatique et pire encore, la rivalité des grandes puissances dans le pillage de nos ressources.
L’Afrique a la manie de répéter les mêmes erreurs avec une inconscience qui donne le tournis. Il arrive aujourd’hui à la Cedeao ce qui est arrivé naguère à l’Oers (l’Organisation des Etats Riverains du Fleuve Sénégal qui rassemblait la Mauritanie, le Mali, le Sénégal et la Guinée). Fondée en 1968 à Labé, cette belle et très prometteuse organisation était censée intégrer les populations de la Mauritanie, du Sénégal, du Mali et de la Guinée dans un projet très intelligent qui, s’il avait abouti, aurait placé ces quatre pays sur la même orbite que la Corée du Sud ou la Malaisie. Hélas, la France tira d’un côté, l’Union Soviétique, de l’autre et l’Oers mourut, victime d’écartèlement.
En 1987, je me retrouvai avec mon défunt compatriote, Williams Sassine, à la Villa Syli de Labé Sékou Touré aimait convier ses hôtes. Dix-neuf ans après, la pimpante demeure était au bord de la ruine. A présent, les jeunes de la ville s’y retrouvaient le samedi soir pour danser le reggae. Ce soir-là, Sassine me demanda de regarder en pointant du doigt le sol. Je me penchais vers la plaque commémorative sur laquelle sautillaient les danseurs et lus : « C’est ici que le 24 Mars 1968 fut créée l’Oers… ». C’était signé Moktar Ould Dadah, Modibo Keïta, Léopold Senghor et Ahmed Sékou Touré.
Cette plaque, les victimes des malheureux évènements qui ont endeuillé la frontière sénégalo- mauritanienne en 1989, ne l’ont pas vue. Heureusement ! Elles seraient mortes une seconde fois.

0 Commentaires

Publiez le 1er commentaire pour cet article !

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas mis en ligne. Les champs avec un * sont obligatoires.
ENVOYER