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L’injustice, le plus grand péril pour la République de Guinée ( Tribune )

L’injustice, le plus grand péril pour la République de Guinée ( Tribune )
0 commentaires, 23 - 4 - 2025, by admin

Par Abdoulaye Bademba Diallo
Il est des fléaux invisibles mais mortels, des phénomènes rampants mais dévastateurs, des injustices tolérées qui deviennent des haines institutionnalisées.
En Guinée, l’injustice s’est hissée, insidieusement, au rang de cancer national. Et lorsqu’elle se conjugue au « deux poids, deux mesures », elle devient l’arme la plus létale contre la République.
On peut, certes, appartenir au camp du pouvoir, c’est là un choix politique, une orientation individuelle dans le théâtre mouvant des convictions. Mais il est des seuils qu’on ne devrait jamais franchir, car ils mènent à l’abîme collectif : l’injustice est de ceux-là.
L’histoire jugera toujours, non nos allégeances partisanes, mais notre rapport à la vérité, à la justice et à l’intérêt général. La République n’est forte que lorsqu’elle repose sur des institutions crédibles et des principes constants. L’injustice, elle, sape les fondations de l’État, corrompt l’âme de la nation, et assassine l’espoir. Il n’est point de développement durable, il n’est point de paix sociale pérenne, là où la justice chancelle, vacille ou se vend.
Soutenir l’injustice pour des silences complices, pour des avantages immédiats, pour quelques billets entachés du sang du contribuable, est une trahison républicaine. Car il ne s’agit pas seulement d’un affront fait à un homme, à un groupe, ou à un parti : il s’agit d’une agression contre l’idée même de société, contre les générations présentes et à venir. L’histoire de l’humanité enseigne que lorsque l’injustice devient norme, le chaos devient inévitable.
Le fondement constitutionnel de notre espérance collective – Travail, Justice, Solidarité – n’est pas une devise décorative. C’est un programme de société, une architecture morale. Mais nous avons brisé la chaîne logique qui les relie. Nous voulons la solidarité sans la justice, la justice sans le travail, le travail sans équité. La République, ce pacte sacré entre gouvernants et gouvernés, n’est viable que si la justice y est impartiale, transparente, équilibrée. Le développement de la Guinée ne viendra pas par les discours, ni les conférences de presse, mais par l’instauration d’un État de droit ferme, cohérent et respecté.
Aliou Bah, qu’on l’aime ou qu’on le déteste, qu’on adhère ou non à ses vues, incarne aujourd’hui un principe fondamental : celui de la contradiction démocratique. Il est l’un des visages visibles de la diversité des opinions, de l’oxygène du débat public. Le contredire est légitime, l’affronter politiquement est sain ; mais vouloir l’éteindre par l’instrumentalisation de la justice est une hérésie républicaine. Car, en réalité, c’est la République que l’on bâillonne. Et ironie tragique, c’est le CNRD lui-même qui se voit délégitimé par ses propres zélateurs.
Ceux qui, sous prétexte de défendre le pouvoir, s’acharnent contre les voix discordantes, commettent un double crime : ils alimentent le soupçon sur l’agenda du pouvoir, et ils détruisent les garde-fous de la démocratie. La quête du pouvoir ne peut justifier la mutilation de l’éthique. Un régime, quel qu’il soit, n’est jamais éternel. Mais la République, elle, doit transcender les hommes et survivre aux régimes. Il ne s’agit pas d’aimer Aliou Bah, il s’agit de respecter le droit qu’il a de penser autrement.
Le vrai danger n’est pas dans les mots des opposants, mais dans les actes des injustes. Quand une société s’habitue à la partialité, quand la justice devient une arme contre les faibles ou les dissidents, la République se désagrège. Nous risquons alors d’entrer dans un cercle vicieux de haine, de vengeance et de riposte proportionnelle. L’histoire récente de la Côte d’Ivoire nous rappelle que l’exclusion politique est le prélude de l’implosion nationale. Pire encore, à ce rythme, nous pourrions glisser, lentement mais sûrement, vers un destin syrien – où la guerre de tous contre tous naît de la faillite de l’État.
La haine s’enseigne. Le mépris se propage. Et quand les frustrations se multiplient, il ne reste que les cendres. Ce jour-là, la Guinée ne sera plus qu’un nom sur les cartes. Un territoire disputé, morcelé, convoité. Les puissances qui lorgnent le Simandou, notre bauxite, notre or, notre pétrole et même nos richesses halieutiques, n’attendent qu’une seule chose : notre implosion. Et ce ne seront pas les plus pauvres qui en profiteront, mais les vautours diplomatiques et les multinationales prédatrices.
Il est donc temps de choisir notre camp. Non entre pouvoir et opposition, mais entre justice et injustice. Vous pouvez être du côté du pouvoir, c’est votre droit. Mais refusez l’injustice. Ne soyez pas les artisans du chaos qui vient. Refusez que la justice soit un instrument de répression. Refusez que le débat public soit réduit au silence par la peur, les menaces ou les arrestations.
La Guinée mérite mieux. Elle mérite des institutions justes, des débats ouverts, des critiques nourries, des oppositions respectées. Elle mérite une République où la solidarité ne soit pas un slogan, mais une réalité, fondée sur la justice et le travail. Ce combat est au-delà des partis. Il est existentiel. Il est national. Et il est urgent.
Abdoulaye Bademba Diallo
Juriste essayiste

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