''En Guinée, on entend beaucoup parler d'ethnie...", Alirio de Oliveira Ramos, ambassadeur du Brésil en Guinée
Faire de la coopération bilatérale guinéo-brésilienne un modèle dans la coopération Sud-Sud. C'est le rêve de l'ambassadeur du Brésil en Guinée. Dans un entretien exclusif qu'il a bien voulu accorder à notre rédaction,Alírio de Oliveira Ramos, plaide pour un renforcement de la coopération entre Conakry et Brasilia. Le diplomate soutient à cor et à cri qu'il y va de l' intérêt des deux pays, malgré le manque de moyens financiers. Interview.
Nouvelledeguinee et focusguinee: comment est la nature actuelle des relations entre la Guinée et le Brésil ?
Alírio de Oliveira Ramos: le Brésil et la Guinée sont deux partenaires stratégiques très proches. Tous les Guinéens aiment le Brésil, aiment notre football, notre carnaval, nos belles plages, la façon d'être des Brésiliens.
Les Brésiliens ont souffert comme vous. Les Brésiliens sont accueillants. Nous sommes une société multiraciale. Alors, les Noirs au Brésil, ils sont tout à fait intégrés dans notre société.
Les Africains qui voyagent au Brésil s'y sentent très bien, comme s'ils étaient chez eux. Et nous les Brésiliens, la même chose ici. On ne se sent pas dépaysé ici. Nous avons les mêmes origines historiques. La culture brésilienne doit beaucoup à l'influence des 6 à 8 millions d'Africains qui ont été emmenés au Brésil pour travailler dans les fermes, les cultures du sucre et du café aux 16ème, 17ème et 18ème siècles.
Nous sommes très fiers de dire que nous avons le sang africain. Il n’y a aucun Brésilien qui n'a pas le sang africain dans ses veines. Alors, les rapports entre la Guinée et le Brésil sont francs, sont très cordiaux.
Nouvelledeguinee et focusguinee: La coopération bilatérale entre le Brésil et la Guinée est axée sur quel domaine ?
Alírio de Oliveira Ramos: nous coopérons de diverses manières. Par exemple, il y a un projet très sérieux d'un éleveur Brésilien. Il a pris deux ans pour élaborer, avec son équipe, un projet pour l'amélioration de la génétique des bovins ici en Guinée. Et ça marche très bien. Bientôt, vous recevrez mille têtes de vaches de première qualité. C'est un don que le Brésil fera pour vous aider à créer une nouvelle génération de bovins plus productifs en lait et en viande.
Il y a des Brésiliens qui sont venus ici pour discuter avec votre gouvernement de leur participation dans plusieurs projets de construction civile. Vous savez: il y a la Cité Verte de Boulbinet. Il y a le projet de construction de 20 000 maisons populaires à Coléah. Nous avons déjà signé un mémorandum d'accords pour la participation d’une société brésilienne qui a développé des technologies très modernes de construction de maisons populaires, d'une forme rapide et sûre. Cela veut dire que ce sont de bons immeubles, faits en série et très rapidement. Cela s'appelle "Technologie Jet" de construction. Les Brésiliens vont donc coopérer dans cette filière de la construction civile.
Il y a plusieurs projets. Il y a un groupe brésilien intéressé à renouveler et bien exploiter l'hôtel Novotel. L'hôtel Novotel a besoin d'être renouvelé. Il peut attirer beaucoup de visiteurs. La Guinée est un beau pays.
Vous avez des beautés immenses ici. Il y a un groupe brésilien qui cherche le permis de gérer et bien renouveler l'hôtel Novotel.
Il y a la coopération culturelle. Presque chaque semaine, beaucoup d'artistes, des chanteurs, des danseurs, des percussionnistes Guinéens voyagent pour des présentations ou pour faire des clips. On a reçu ici, la semaine dernière, la visite du Groupe de Rap " DEGG J FORCE3". Il doit faire un clip spécial à Bahia.
Vous savez qu'il y a un jumelage entre cette ville et Boké. Parce que les Guinéens qui viennent d'ici au 16ème siècle étaient destinés là-bas, à Salvador de Bahia.
Il y a la coopération aussi dans les domaines des sports. Par exemple, il y a un groupe de trente jeunes footballeurs Guinéens qui veulent être entraînés au Brésil. Ils ont choisi une académie, une école de football. Nous leur avons offert deux possibilités à Sao Paolo et à Brasília. Mais, ces Guinéens ont préféré l’académie de football à Brasília. Ils vont séjourner là-bas. Ils y resteront un an pour s'entraîner et apprendre la façon brésilienne. Vous êtes déjà de très bons joueurs. Mais, ils veulent apprendre avec les Brésiliens.
Le problème, ce sont les moyens. Il faut des fonds pour réussir la coopération. Actuellement, il n'est pas facile d'obtenir des fonds en raison de la crise mondiale. Mais, l' l’important c'est la bonne disposition, la bonne volonté entre nos deux pays.
Nouvelledeguinee et focusguinee: Pensez-vous à aider la Guinée à développer son agriculture pour mettre fin à l'insécurité alimentaire qui y sévit depuis toujours ?
Alírio de Oliveria Ramos: Évidemment, dans le domaine de la culture de la canne à sucre. Vous savez que le Brésil est développé, il y a plus de trente ans dans la production de l'éthanol, un carburant renouvelable, une source d'énergie renouvelable. Et l'éthanol est produit à partir de la canne à sucre.
Vous avez ici des terres propices au développement de la culture de la canne à sucre. On étudie aussi les possibilités pour la production, ici en Guinée, de la noix d'acajou.
Le Brésil est un grand pays agricole à côté des États-Unis et de l'Australie. Le Brésil est parmi les plus grands pays producteurs agricoles, le premier en soja, le premier en maïs. Le Brésil est un grand producteur.
Lorsque l'Amérique et l'Afrique étaient un seul continent, alors, nos territoires étaient ensembles. Le territoire brésilien a les mêmes caractéristiques. C'est-à-dire, ce qui pousse là-bas, pousse ici. les machines qui travaillent bien au Brésil sous nos conditions climatiques, vont bien marcher aussi ici, en Guinée.
Alors, il y a beaucoup à faire. Le moment n'est pas le plus propice, soit pour la Guinée, soit pour le Brésil ( ... ) Vous savez qu'il y a une crise politique et financière au Brésil. Alors, les Brésiliens sont très partagés. Mais, c'est circonstanciel. Nous allons bientôt surmonter ces difficultés pour entamer une nouvelle phase de notre coopération avec la Guinée.
Nouvelledeguinee et focusguinee: Quel regard portez-vous sur la crise socio-politique que traverse la Guinée en ce moment ?
Ambassadeur: En tant que diplomate, je ne peux pas faire une appréciation sur la situation politique en Guinée.
Nouvelledeguinee et focusguinee: Avez-vous un message particulier pour les Guinéens et les Brésiliens ?
Alírio de Oliveira Ramos: Aux brésiliens, je dirai toujours de miser sur la Guinée. On a beaucoup à faire avec la Guinée dans plusieurs secteurs, plusieurs filières. Il y 'a la bonne volonté du Gouvernement et des citoyens guinéens d'accueillir les brésiliens. D'ailleurs, nous avons OAS, une société qui est là depuis 5 ans et qui a fait beaucoup de voiries à Conakry et même un tronçon de la route nationale. Il y 'avait quelques cinq autres sociétés brésiliennes, parmi lesquelles VALE, l’une des plus grandes minières au monde. Mais, malheureusement, compte tenu de certaines circonstances difficiles à expliquer dans une interview, elles sont parties, sauf OAS.
Ce que j'ai à dire aux brésiliens, c'est que la Guinée en vaut la peine. Venez en Guinée. Investissez ici. Tous gagneront: les brésiliens et les guinéens.
Je dirai que vous vivez dans un pays merveilleux, qui a tout pour se développer. Mais, vos conditions de vie ne sont pas encore bonnes.
Alors, mon message c'est toujours un message d'union, que vous vous unissiez, que vous soyez comme une seule nation. J’ai vécu 3 ans en Zambie, par exemple, mais je n'ai jamais entendu parler d’ethnies là-bas. Un zambien, c'est tout simplement un zambien. C'est pourquoi la Zambie est considérée comme étant la démocratie la plus mûre de l’Afrique.
Ici, on entend beaucoup parler de division, d'ethnie. Quelque fois, pour nous les étrangers, l'impression que nous avons c'est que c'est difficile pour vous de vous donner les mains et de marcher dans la même direction et au même pas. Même pas dans une même direction.
Nous, les brésiliens, avons réussi, pourquoi pas vous ? Si nous avons construit ce Brésil que tout le monde aime, pourquoi vous ne bâtirez pas la Guinée que vous rêvez ? Une Guinée où tout le monde puisse manger à sa faim, où les jeunes puissent être formés dans de bonnes écoles, avec un bon système de santé, des hôpitaux... Il faut apprendre aussi à traiter les villes avec beaucoup plus de respect, ne pas salir, faire de vos villes des villes propres pour attirer les touristes.
Pourquoi les gens vont à la plage de Copacabana? Parce que cette plage est nette. Les gens se sentent bien là-bas. Ici, derrière l'aéroport de G'Bessia de Conakry, G’Bessia-Conakry, j'ai découvert une plage qui pourrait être comme Copacabana si elle est propre. ( ... ) Les étrangers veulent dépenser contre la prestation d'un service. Alors, il faut aménager cette plage ( ... )
Il faut un effort général pour utiliser les poubelles. Vous ne devez pas jeter les déchets partout pour que tout le pays, Conakry, Boké, partout, soient des villes propres qui attirent beaucoup de touristes comme vous le méritez parce que des beautés naturelles, votre pays les a partout, en abondance.
Propos recueillis par Amadou Foulah Diallo et Mamadou Saliou Diallo
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